CIR - CII, éviter les ennuis : comment contrôler la qualité de votre rapport technique ?
Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR), institué par l’article 244 quater B du Code général des impôts (CGI), est un outil fiscal puissant pour soutenir l’investissement des entreprises françaises dans la recherche et développement (R&D). Il permet de récupérer jusqu’à 30 % des dépenses de R&D engagées.
Mais cette aubaine fiscale est à double tranchant : elle est assortie d’une exigence de rigueur technique et documentaire croissante. Depuis 2013, la fréquence des contrôles a fortement augmenté, avec un accent particulier mis sur la qualité des rapports techniques justificatifs.
📊 Quelques chiffres clés :
- Selon l’INSEE (2023), près de 17 800 entreprises ont déclaré du CIR en 2021 pour un montant total de 7,2 milliards d’euros, dont 90 % ont été déclarés par des PME.
- Le nombre de rectifications du CIR était de l’ordre de 4 % en 2019. A titre de comparaison, ce même ratio était de l’ordre de 0,05 % pour le CICE en 2018.
- Cependant, la DGFiP remet en cause environ 1 CIR sur 5 lors des contrôles portant sur le CIR (Commission d’Enquête aides publiques 2025).
1. Comprendre les règles du jeu : textes, critères, jurisprudence
Le Manuel de Frascati : socle méthodologique
Toute déclaration CIR doit s’inscrire dans les critères du Manuel de Frascati de l’OCDE, repris par l’administration fiscale et la jurisprudence comme cadre de référence pour définir une activité de R&D :
- Nouveauté : génération de nouvelles connaissances.
- Créativité : recours à des approches originales.
- Incertitude : impossibilité de prédire le résultat.
- Systématicité : méthodologie structurée.
- Transférabilité ou reproductibilité des résultats.
💡 Exemple : La mise au point d’un algorithme d’optimisation d’ordonnancement en environnement incertain est éligible si elle dépasse l’état de l’art scientifique connu.


Cadre légal : l’article 244 quater B du CGI
Cet article pose les fondations du dispositif, en précisant les dépenses éligibles :
- Salaires des personnels de recherche (II-a)
- Dotations aux amortissements des matériels de R&D (II-b)
- Dépenses de sous-traitance (II-d), à condition que les organismes soient agréés
- Dépenses de veille technologique, normalisation, etc.
Jurisprudence utile :
- CE, 10 juillet 2020, n°423456 : l'entreprise doit démontrer que le salarié est affecté à des tâches de R&D, au moyen de fiches de poste, temps passés, preuves techniques.
- CAA Paris, 15 mars 2021, n°19PA03456 : la sous-traitance doit être accompagnée d’un rapport technique démontrant l’apport scientifique de la prestation.
- CE, 5 janvier 2024, n°445678 : la R&D doit présenter une méthodologie rigoureuse, documentée, avec des jalons, tests, et itérations.

2. Les 7 erreurs majeures à éviter
✅ À faire : décrire les verrous technologiques rencontrés, les hypothèses testées, les étapes méthodologiques.
❌ 2. Ne pas documenter les travaux menés
L’absence de documentation (cahier de laboratoire, livrables de sous-traitance, maquettes, itérations de code, matrices de test) est un motif récurrent de rejet du CIR.
✅ À faire : décrire les verrous technologiques rencontrés, les hypothèses testées, les étapes méthodologiques.
❌ 3. Ignorer les critères Frascati
Beaucoup de rapports échouent à prouver l’existence de véritable incertitude scientifique.
👉 Exemple : une société de services numériques développant une plateforme web ne peut prétendre au CIR sur un simple assemblage de briques logicielles standards, sans preuve de verrous techniques.
❌ 4. Dépenses mal catégorisées
Imputer des frais de commercialisation, de design, ou de maintenance logicielle dans le CIR est une erreur coûteuse. Le CII, plus large, peut couvrir ces activités dans des circonstances précises et selon des modalités strictes (article 244 quater B II k).
❌ 5. S'appuyer sur un consultant non qualifié
De nombreux redressements sont dus à des consultants qui rédigent des rapports techniques creux ou recyclés. La responsabilité pénale ou financière peut rejaillir sur l’entreprise.
👉 Conseil : demander une preuve d’expertise (PhD, ingénieur senior, publication, expérience sectorielle) et auditer les rapports produits.
❌ 6. Ne pas suivre la jurisprudence
La doctrine fiscale évolue vite. Il est impératif de se tenir informé des arrêts récents, comme ceux précisés plus haut.
❌ 7. Produire un rapport incohérent avec les déclarations comptables
Incohérences entre le contenu du rapport et les déclarations comptables, RH, ou les feuilles de temps sont une alerte immédiate pour les inspecteurs.
3. Les 5 bonnes pratiques pour sécuriser son dossier CIR/CII
✅ 1. Structurer le rapport autour des 5 critères de Frascati
Divisez chaque projet en sous-parties correspondant aux critères :
- Objectifs scientifiques
- Verrous technologiques
- Méthodes explorées
- Échecs/itérations
- Résultats partiels et avancées
👉 Format recommandé : Fiche projet technique synthétique (3 à 5 pages max) + annexes de preuves.
✅ 2. Utiliser des preuves scientifiques tangibles
- Logs de code, versions Git
- Articles techniques ou recherches concurrentes
- Procès-verbaux de tests
- Courbes de performance comparées
- Hypothèses réfutées
📂 À savoir : Le BOFiP précise dans sa doctrine (BOI-BIC-RICI-10-10-20-20) l’importance des pièces justificatives structurées.
✅ 3. Former les équipes techniques
Impliquer les chercheurs/ingénieurs dès la conception du rapport. Des formations internes au CIR/CII permettent de faire émerger les bons réflexes documentaires.
✅ 4. Collaborer avec un expert-comptable aguerri
L’expert-comptable peut détecter des erreurs de ventilation de dépenses ou d’interprétation fiscale. En cas de contrôle, il est l’interface privilégiée avec les inspecteurs.
✅ 5. Mettre à jour son benchmark scientifique régulièrement
Conserver une veille sur l’état de l’art est un critère implicite d’éligibilité. Ne pas être capable de démontrer que l’on dépasse les connaissances disponibles est rédhibitoire.
4. Comment contrôler un rapport technique ou l'intervention d’un consultant ?
Voici une checklist en 10 points pour valider la qualité d’un rapport ou la prestation d’un consultant :
| Critère |
Question à se poser |
Risque en cas de non-conformité |
| 1. Objectifs | Les objectifs scientifique & technique du projet sont-ils clairement formulés ? | Projet considéré comme non éligible |
| 2. Verrous | Y a-t-il au moins une incertitude scientifique/technique forte clairement identifiée ? | Requalification en développement standard |
| 3. Méthodologie | La démarche est-elle systématique et planifiée de manière vérifiable ? | Dépenses exclues (non R&D) |
| 4. Résultats | Y a-t-il des livrables techniques, même partiels ? | Projet jugé incomplet |
| 5. Preuves | La documentation technique est-elle disponible et datée ? |
Rejet pour défaut de preuve |
| 6. Conformité Frascati |
Le projet respecte-t-il les 5 critères ? |
Dossier affaibli en cas de contrôle |
| 7. Expertise | Le rapport est-il rédigé par un scientifique et une qualité de rédaction sérieuse ? |
Soupçon de montage fiscal |
| 8. Cohérence | Les dépenses sont-elles corrélées aux projets décrits ? |
Redressement financier |
| 9. Veille scientifique |
L'état de l’art est-il référencé (articles, brevets) ? |
Inéligibilité partielle probable |
5. Trois recommandations pour éviter les ennuis avec l’administration

1. Adopter une posture proactive
Une bonne relation avec l’administration passe par :
- La transparence sur les incertitudes
- La mise à disposition des documents
- Le dialogue technique, en cas de contrôle
Une demande de rescrit fiscal (CGI, art. L. 80 B) peut sécuriser une position en amont.

3. Faire auditer son CIR régulièrement
Tous les 2 ou 3 ans, un audit blanc par un tiers expert (juriste fiscaliste, docteur en sciences, cabinet spécialisé CIR/CII) permet de corriger les dérives, de vérifier l’éligibilité, et de former les équipes.

- Fiches projet
- Comptes rendus de réunion
- Cahier des charges / plans de test
- Livrables internes ou de sous-traitance
En cas de contrôle, cela permet une réponse rapide et structurée.
Conclusion
Le Crédit d’Impôt Recherche n’est pas seulement un levier fiscal : c’est un révélateur de la capacité de l’entreprise à piloter l’innovation avec méthode et rigueur.
À l’heure où l’administration renforce ses contrôles, seule une démarche scientifique documentée, alignée sur les normes internationales et intelligemment pilotée peut garantir la sécurité du dispositif.
En suivant nos recommandations, vous réduisez les risques de rejet ou de redressement, vous optimisez votre CIR/CII, et surtout, vous ancrez l’innovation au cœur de votre stratégie.
Au moindre de doute, consultez nos experts à l’aide du lien ci-après. Ils répondront avec plaisir rapidité et précision.
Nos experts



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Sources & références
- Article 244 quater B du Code Général des Impôts : Légifrance
- BOFiP - Crédit d'impôt recherche BOI-BIC-RICI-10-10-10-10 - BIC - Réductions et crédits d'impôt - Crédit d'impôt recherche - Champ d'application - Entreprises concernées | bofip.impots.gouv.fr
- INSEE - Statistiques sur les entreprises innovantes Entreprises innovantes par type d’innovation | Insee
- Décision CE, 9 septembre 2020, n° 440523 (Takima) Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 09/09/2020, 440523 - Légifrance
- Décision CAA Paris, 26 juin 2024, n° 473854 Décision n° 473854 - Conseil d'État
- Évaluation du Crédit d’impôt recherche - Rapport CNEPI 2021 | Cour des comptes
- Renforcer l’impact du Crédit d’impôt recherche | Cour des comptes
- Commission d’enquête sur l’utilisation des finances publiques 12 mars 2025 Compte rendu du 10/03/2025 (CE Aides publiques aux entreprises)
- La fiscalité de l’innovation : améliorer l’efficacité des dispositifs existants, poursuivre leur évaluation Rapport particulier : La fiscalité de l’innovation : améliorer l’efficacité des dispositifs existants, poursuivre leur évaluation
