Stratégie d’innovation audacieuse : MexBrain, la start-up qui explore sans frontières
Propos de Thomas Brichart, Président et co-fondateur de MEXBRAIN
Créer et développer une start-up est déjà un défi de taille. Mais que se passe-t-il lorsque cette start-up, en pleine croissance, choisit d’explorer plusieurs domaines scientifiques et technologiques à la fois ? MexBrain, depuis 2017, fait le pari quotidien de la diversité, à la fois dans les pathologies adressées, les technologies développées, et les marchés visés. Cette approche, à la fois ambitieuse et risquée, est le reflet d’un ADN : innover au service de la santé.
Quel est l’activité et l’ambition de MEXBRAIN ?
Fondée pour répondre à des besoins médicaux majeurs, MexBrain développe un dispositif médical innovant permettant l’extraction des métaux de la circulation sanguine, principalement à destination de patients en soins intensifs. Mais notre aventure nous a menés bien au-delà de notre idée de départ, nous confrontant à une variété de pathologies, de cadres réglementaires et de défis scientifiques qui auraient pu sembler, au premier abord, incompatibles avec la taille de notre structure. Aujourd’hui, alors que nous ne sommes toujours qu’une dizaine de personnes, nous continuons à explorer différents axes d’innovations.
Pouvez-vous nous décrire vos challenges scientifiques ?
Depuis nos débuts, la curiosité scientifique et l’écoute attentive des besoins médicaux nous ont poussés à explorer un large spectre de pathologies. De la maladie de Parkinson à la maladie de Wilson, de l’ACLF (Acute-on-Chronic Liver Failure) et l’AKI (Acute Kidney Injury) au syndrome myélodysplasique en passant par le sepsis notre dispositif médical s’est rapidement imposé comme un outil potentiellement utile dans de nombreux contextes cliniques.
Compte-tenu des enjeux comment appréhendez-vous l’organisation de l’entreprise ?
Aujourd’hui, notre pipeline de développement se concentre principalement sur deux axes majeurs : le développement d’un dispositif médical pour les patients en soin intensifs (ACLF, AKI et sepsis) et le développement d’un médicament pour décorporation des radionucléides. Ce recentrage est le fruit de l’apprentissage continu, des échanges avec les cliniciens et des opportunités identifiées au fil du temps.
Cette multiplicité de projets n’est pas sans conséquences sur l’organisation interne d’une start-up. Elle pose des défis très concrets, notamment pour une structure de notre taille.
Travailler sur plusieurs fronts à la fois implique d’abord de réunir et de fédérer des compétences variées. Chez MexBrain, notre cœur d’équipe se compose principalement d’ingénieurs et de docteurs en chimie et en biologie. Ce choix est délibéré : la complexité de nos sujets impose une culture scientifique solide, mais aussi une grande ouverture d’esprit. Et le premier défi est d’abord celui de la montée en compétences. Aucun membre de l’équipe ne peut se contenter d’être un « spécialiste étroit » : il faut apprendre vite, comprendre des domaines nouveaux, jongler avec des problématiques très différentes. Qu’il s’agisse de plonger dans la physiopathologie de l’ACLF ou de maîtriser les enjeux réglementaires d’un médicament destiné à la radioprotection, la polyvalence et la curiosité sont des prérequis.
Quels sont les risques et obstacles les plus importants à relever ?
Un des obstacles majeurs est aussi la gestion des différentes réglementations. Travailler à la fois sur un dispositif médical et un médicament implique de jongler avec deux mondes normatifs très distincts : exigences techniques, processus de validation, études précliniques et cliniques, relations avec les autorités, tout diffère. Cette diversité réglementaire nous oblige à nous entourer de partenaires spécialisés et à adapter nos process.
Au-delà des compétences et des connaissances, la gestion du temps et des priorités devient alors un enjeu quotidien. Lorsqu’on travaille sur de nombreux sujets, il est essentiel d’arbitrer sans cesse entre l’urgence opérationnelle, le long terme stratégique et les opportunités qui surgissent. Il faut savoir organiser le travail en fonction des échéances réglementaires, des jalons de développement, des demandes des partenaires ou encore des possibilités de financement. Chez MexBrain, cela signifie planifier finement, accepter de réajuster la feuille de route régulièrement, et surtout communiquer de manière transparente sur les choix opérés. La capacité à prioriser, à renoncer temporairement à certains sujets pour accélérer sur d’autres, et à maximiser l’impact de chaque heure investie est sans doute l’un des savoir-faire les plus précieux que nous ayons développés. C’est un équilibre fragile, mais indispensable pour avancer efficacement sur plusieurs projets ambitieux.
Dans ce contexte comment gérez-vous l’allocation des ressources humaines et financières ?
Dans le monde des start-ups, la question du financement est centrale. Elle l’est d’autant plus lorsque l’on mène plusieurs projets en parallèle, avec des horizons de maturation et des profils de risque très différents.
Convaincre des investisseurs ou des partenaires publics de miser sur une start-up « multi-projets » n’a rien d’évident. Les investisseurs recherchent souvent la concentration sur une seule technologie ou indication, afin de maximiser les chances de succès et la lisibilité du projet. Or, chez MexBrain, notre proposition est par nature transversale : un même savoir-faire technologique appliqué à des problèmes variés, une stratégie de valorisation multiforme (dispositif médical, médicament).
Ce positionnement nous a obligé à clarifier notre message, à adapter notre communication, et parfois à faire des choix. Nous avons ainsi opté pour des levées de fonds ciblées sur certains projets (notamment la partie dispositif médical), tout en cherchant des subventions pour d’autres axes, plus exploratoires ou plus risqués.
Mais cette diversité des financements suppose aussi une gestion fine des ressources et des priorités. Il nous faut éviter de nous disperser, apprendre à dire non à certains projets, et arbitrer régulièrement entre l’ambition et la réalité des moyens. Ce sont des choix parfois difficiles, mais essentiels à la pérennité et à la croissance de la société.
Pourtant, loin d’être seulement un handicap, la diversité de nos projets est aussi une formidable source d’opportunités. Elle permet de créer des synergies inattendues, de faire émerger des innovations croisées, et d’ouvrir des axes de développement inédits.
Pouvez-vous nous donner quelques illustrations ?
Un exemple concret est la naissance de notre programme de médicament pour la décorporation des radionucléides. À l’origine, il s’agissait d’une « simple » application dérivée de nos recherches sur l’extraction des métaux chez les patients en soins intensifs. Mais en approfondissant le sujet, nous avons découvert l’existence de besoins majeurs, tant pour la santé publique que pour la sécurité nationale. Cette découverte nous a permis de nouer de nouveaux partenariats, de bénéficier de financements dédiés, et d’élargir le spectre d’action de MexBrain bien au-delà de la seule réanimation.
Autre avantage : le développement de plusieurs projets nous offre une résilience accrue face aux aléas du parcours d’innovation. Si un projet rencontre un obstacle réglementaire ou scientifique, un autre peut continuer d’avancer, ce qui assure la continuité de l’activité et limite les risques.
Enfin, la diversification est aussi une source de motivation et d’engagement pour l’équipe. Travailler sur des sujets aussi variés est une chance rare, qui stimule la créativité, l’apprentissage et le sentiment d’utilité.
Pour le mot de la fin, quels sont les qualités essentielles de votre entreprise ?
Chez MexBrain, nous croyons que la diversité des projets, loin d’être un obstacle, est une chance unique. Oui, il est plus difficile d’avancer sur plusieurs fronts à la fois, surtout avec des moyens limités. Oui, cela demande une organisation sans faille, une capacité d’adaptation permanente, et une vraie dose d’audace. Mais c’est aussi ce qui fait la richesse de notre parcours, la singularité de notre équipe, et la solidité de notre modèle.
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